SOYEZ FLEX !
Avec l’extension croissante du télétravail, la majorité des salariés du siège n’occupent plus leur bureau que 2 ou 3 jours par semaine, laissant ainsi inoccupée en permanence une portion non-négligeable de l’espace de travail commun. Notre inflexible direction, toujours en quête de plus d’agilité de la part du personnel et de plus de souplesse dans la gestion des ressources humaines, voit dans cette nouvelle tendance une belle opportunité pour demander à ses collaborateurs de se plier en quatre et économiser ainsi quelques mètres carrés supplémentaires.
Nos collègues britanniques, toujours prompts à tirer profit de la malléabilité des masses laborieuses pour étirer leur budget et délier la raideur de leurs charges fixes, ont depuis longtemps donné l’exemple en imposant dans leur siège londonien le principe du bureau partagé, dit aussi « flex office » ou « desk sharing ».
« Economics are the method: The object is to change the heart and soul »* proclamait l’inflexible « Dame de Fer » pour qui la politique sociale était, en soi, un oxymore ; Patrick Chapuis, qui a promis de faire de 2022 une année « sociale », semble bien parti pour suivre son exemple en utilisant l’argument économique pour ébranler une nouvelle fois nos conditions de travail.
Une des premières grandes mesures sociales promises par notre Président pourrait donc être la généralisation du bureau partagé dans les locaux de l’entreprise. Nous n’avions déjà pas le droit de personnaliser notre poste de travail, d’y laisser une plante verte ou la photo de nos enfants, nous n’aurons bientôt plus le droit d’avoir un bureau à nous, un espace familier et un tant soit peu personnel où s’installer pour travailler.
ORA, ce grand bâtiment froid et impersonnel, où on n’ose déjà plus se dire bonjour de peur de déranger les collègues, va-t-il gagner en convivialité quand le nombre de bureaux disponibles sera limité au strict nécessaire et que l’on devra se dépêcher de chercher une place libre, en face d’un inconnu, en arrivant chaque matin ?
Dans le principe, le « flex office » peut toutefois être une formidable opportunité d’amélioration des conditions de vie au travail, quand il laisse au collaborateur le choix de son environnement en fonction de son activité du moment : un bureau libre auprès d’un collègue, un espace de réunion, une salle de coworking, voire même la terrasse d’un café pour un rendez-vous à l’extérieur ou la maison pour plus de calme et de concentration. Dans la pratique, le « flex office » devient souvent du « flex desk », un principe qui ne laisse aucune souplesse au collaborateur quant au choix de son bureau et lui impose des difficultés supplémentaires liées à la diminution du nombre de postes de travail : où trouver un bureau libre ? à côté de qui ? avec quelle contrainte liée au bruit, à la lumière, aux odeurs ou aux courants d’air ?
Alors, « flex office » ou « flex desk » ? Il est à craindre que les aspirations à la flexibilité de notre direction psychorigide ne se limitent, une fois encore, à la mise en place d’un cadre strict, déshumanisé et… inflexible, comme l’ont vécu les salariés d’Alcatel sur le site de Vélizy.
La consultation du CSE sur le sujet s’ouvrira début mars.
* L’économie est la méthode ; l’objectif est de changer le cœur et l’âme